Synthèse d’ouverture

La synthèse d’ouverture est le processus de construction d’image utilisé par les réseaux d’antennes comme ALMA. Elle permet de simuler l’ouverture d’un grand télescope avec plusieurs petits. Ce grand télescope virtuel a pour diamètre la distance maximale entre deux petits.

C’est un sujet qui invoque des mathématiques de Bac+2. Pourtant, la présente explication qui ne requiert qu’un niveau collège[+]

Il faut pouvoir lire le français, les équations et savoir que, dans un triangle rectangle :

vise à être complète. Ce qui explique qu’elle soit un peu longue.
Le lecteur impatient peut lire uniquement la section 2. En effet, il comprendra comment des interférences artificielles peuvent révéler l’angle d’une source pour, petit à petit, construire une carte du ciel. Par contre, en s’abstenant des autres sections, ce lecteur manquera de ce vulgaire guide, l’invitation vers une des plus belles histoires naturelles, celle du photon.

1/ Limitations du télescope

Nosce te ipsum

On mesure la qualité d’une image astrophysique avec deux paramètres : sa résolution angulaire et sa profondeur.

  1. La profondeur est le flux de la source la moins lumineuse que l’on peut détecter.[+]

    Une grande profondeur permet de détecter des objets peu brillants. Par exemple, des objets lointains.

  2. La résolution angulaire est le plus petit angle qu’un télescope peut résoudre.[+]

    C’est-à-dire que deux objets séparés d’un angle inférieur à la résolution apparaîtront comme un seul.
    Ou tout objet de taille inférieur à la résolution angulaire apparaîtra comme un point.
    Exemple : un télescope optique de 1m de diamètre (D), observant un signal de longueur d’onde λ = 550nm (dans le jaune) a une résolution (comme on verra dans section optionelle) de λ/D  = 550nm/1m  = 5.5 × 10 − 7radians (=0.00000055radian)  = 5.5 × 107 * 180/π°  = 3.15 × 10 − 5°  = 3.15 × 10 − 5/3600″ = 0.1 seconde de degrés.
    Notez que les atronomes ne comptent pas en radian [rad] ni en degré [°] qui sont des angles bien trop grands mais en seconde de degré [’’] voir en milli seconde de degré [mas]. Ce sont des unitées telles qu’il y a autant de secondes (respectivement de milli seconde) de degré dans un degré que de (milli) seconde dans une heure soit 3600 (respectivement 3.600.000).
    Une grande résolution angulaire permet d’observer des objets de petite taille angulaire. Par exemple, des objets lointains.

-> Jusqu’à preuve du contraire, un télescope quelconque peut générer des images d’une résolution et profondeur arbitrairement grande à condition de :

  1. Exposer suffisamment longtemps l’objet pour obtenir plus de lumière de ce dernier que le bruit du ciel et de l’appareil.
  2. Utiliser un détecteur (Couple Charged Device) avec suffisamment de pixels par cm.[+]

    Le nombre de pixels par centimètre peut être arbitrairement élevé avec des bancs optiques à l’intérieur du détecteur. Par exemple les nouveaux téléphones portables déclarent des détecteurs de 9Mpixels (= 3000x3000) et de 2mm tandis qu’un détecteur de télescope est de 1Mpixel (1000x1000) et mesure 3cm.

<- Voici maintenant la preuve du contraire :

Pour ce qui est de la profondeur, un grand télescope est nécessaire. En effet, bien qu’en sommant un grand nombre d’images du même endroit, nous pouvons obtenir une profondeur infinie, avant de pouvoir les sommer, il faut pouvoir les aligner convenablement et pour ceci, il faut … des images suffisamment profondes et résolues. En effet, si on ne voit rien sur les images comment sait-on vers où elles pointent. Il nous faut donc un télescope suffisamment grand qui puisse absorber la lumière pour résoudre au moins deux étoiles de champs à chaque exposition. Vous pourrez penser : “si la mécanique du télescope est suffisamment bonne, les images sont alignées par le pointage”. Malheureusement, il n’est pas possible d’obtenir une position précise sans viseur d’étoile qui lui-même nécessite de voir un étoile proche du champ d’observation.

Pour ce qui est de la résolution angulaire, la taille du télescope est limitante également. Mais cette fois, ce n’est plus pour la simple raison de collecter un maximum de flux lumineux afin d’obtenir un signal sur bruit suffisant pour la détection. C’est plus compliqué. L’effet néfaste est la diffraction que subie toute onde qui passe par une ouverture (voir la figure “fente”).[+]

Nous faisons l’expérience de la diffraction tous les jours lorsque nous entendons le son provenant d’une pièce voisine.

Dans le cas d’une ouverture circulaire comme celle du miroir principale, l’image d’un point (d’une étoile[+]

Le diamètre angulaire des étoiles est bien plus petit que la résolution du meilleur télescope. Elles ont donc la même image qu’un point (infiniment petit). Ce n’est pas le cas des galaxies.

) n’est plus un point mais s’étale selon la forme symétrique de la tache d’Airy. Cette tache est d’autant plus petite que l’ouverture du télescope est grande. Vous devriez comprendre pourquoi à la fin de ce guide.

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Fente : Diffraction d’une onde traversant une porte.
Le front d’onde, auparavant linéaire, se courbe comme si l’ouverture était l’émetteur.

Ces deux raisons expliquent l’intérêt pour les grands télescopes. Cependant il est économiquement difficile de construire de très grandes ouvertures de qualités, réflecteurs ou lentilles. C’est pourquoi la synthèse d’ouverture est utilisée pour simuler un télescope de grande ouverture avec plusieurs petits.

La synthèse d’ouverture est une technologie très liée à la radioastronomie car son emploi est aujourd’hui techniquement proche du miracle dans l’optique visible. En effet, comme vous allez le voir, les détecteurs radios permettent de mesurer la lumière comme une onde, ce qui permet une reconstruction d’ouverture à posteriori. Par la suite, les détecteurs (antennes) seront modélisés par des flotteurs dans l’eau et leur position est mesurable. En optique visible, cette position n’est pas mesurable, on peut juste savoir si le flotteur bouge. En termes techniques, on dit que les antennes radios (ou millimétriques) mesurent simultanément la phase et l’amplitude du signal électromagnétique.

2/ Délai d’un choc

Verba docent, exempla trahunt

Supposons qu’une pierre soit lancée dans un lac calme. Une vague va se propager en cercles concentriques autour de cette pierre. Nous disposons de deux flotteurs pour mesurer la position de la source de la vague, c’est-à-dire l’endroit où la pierre est tombée. Comme en astrophysique, nous voulons mesurer sa position angulaire et non sa distance que nous supposerons infinie.

Supposons, pour commencer, qu’il n’y a qu’une vague générée par cette pierre. Alors, si la pierre a été lancée à droite, comme sur la figure “carte du lac”, le flotteur de droite va recevoir la vague avant celui de gauche. Réciproquement, si nous mesurons que le flotteur de droite est déplacé avant celui de gauche, c’est que la vague a été lancé à droite.

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Carte du lac : Vague créée par un caillou jeté dans l’eau et reçue par deux flotteurs au premier plan. La vague va soulever le flotteur de droite puis le flotteur de gauche.
Le caillou a été lancé à une position angulaire de θ et à une distance infinie, c’est pourquoi le front d’onde arrive en forme de ligne sur le flotteur à l’image d’une majestueuse vague de houle en haute mer et non d’un misérable ricochet de lavoir.
Note: Infinie signifie simplement : “beaucoup plus grand que la distance entre les deux flotteurs”.

En employant une formule magique (“trigonometrum s’il te plum”) dans le triangle ABC (figure “trigonométrie” ), on obtient :



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Trigonométrie

Avec :

Remplaçons-le ! On connait à priori la vitesse de la vague v et on mesure le temps de délai Δt que la vague a pris pour atteindre le deuxième flotteur.

La formule distance = vistesse × temps nous donne a = v × Δt. En inversant la formule trigonométrique et replaçant a, on a :



On a θ et … c’est ce qu’on cherchait : la position angulaire de la pierre !

Par exemple:

3/ Délai d’une onde

Fluctuat nec mergitur

La section précédente nous a donné θ : la position (angulaire) de l’objectif. C’est donc mission accomplie pour la section 2 !

Le problème est que les objectifs astrophysiques, ne s’allument pas d’un seul coup mais émettent de manière continue. Il n’y a donc pas de front d’onde (ou vague) de référence. L’altitude de chaque flotteur variera au gré de la vague et suivra une sinusoïde plus ou moins synchronisée avec l’autre flotteur. Ce degrés de synchronisme est appelé corrélation.

On ne peut plus mesurer Δt mais Δt modulo ν est la fréquence de l’onde et donc son inverse, , est le temps qui sépare deux vagues.[+]

On ne peut plus savoir sur quelle vague est chaque flotteur mais à quelle position de la vague : en haut, en descente … (voir figure “altitude”)
Remarquez que ce manque d’information est drastique. En effet, avec une ligne de base de 16km et des ondes de 1mm, on peut avoir un doute entre (50 millions) de valeurs possibles de θ pour une source ponctuelle. Pour 10 sources, ce serai (50M)10 = 9 × 1076.

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Altitude : On peut mesurer que A et C sont en phase et A et B sont déphasé de .
Mais il est impossible de savoir que A est sur la même vague que B et que C est sur une autre par la seule mesure de la position verticale des bouchons puisque toutes les vagues sont parfaitement identiques.
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Angles possibles : Quelques angles d’origine des vagues qui permettent d’avoir les deux bouchons en phase.
Le nombre de vagues de retard du bouchon de gauche est indiqué. C’est justement ce nombre qu’on ne peut pas mesurer.
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Réseau : Trois bouchons valent mieux que deux.
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Cas 1 : θ = 53° : X, Y, Z en phase.
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Cas 2 : θ = 30° : Z en opposition de phase.
Au final, ajouter une ligne de base nous a permis de restreindre le champ des possibilités sur la position du caillou, d’un facteur 2. Ce qui est le maximum qu’une information de plus peut nous apporter. De plus, ajouter un bouchon, dans ce cas nous a ajouté 2 lignes de base : celle de 0.5m et celle de 1.5m. Ce qui nous a donné 2 informations de corrélations supplémentaires. Par exemple, si la section 2 hésitait entre 100 choix possibles, la ligne de 0.5m en élimine la moitié : il en reste alors 50. De la même manière la deuxième ligne en élimine aussi une moitié, il en reste 25.[+]

Nous supposons ici que chaque ligne est indépendante, ce qui est le cas si leurs tailles sont différentes.
Imaginez comment les techniciens d’ALMA s’amusent pour placer 66 antennes de manière à avoir 2145 lignes de base de tailles différentes ! Et en couvrant homogénement l’ensemble des tailles de base possibles (généralement en coordonnées circulaires).

Chaque ligne permet de discriminer un rang d’angle différent. En termes plus génériques, elle donne une information, comme un pixel dans une image. Supposez que l’on puisse faire tourner la ligne des flotteurs, alors θ changerai et chaque ligne nous apporterai des informations nouvelles (plus de pixels). Le plus simple pour effectuer cette rotation avec un réseau d’antennes et une source extraterrestre est de faire tourner la planète. Et puisqu’elle tourne déjà, il suffit d’attendre.

4/ Délai de plusieurs objets : reconstruction d’image

Divide ut reges

La section 3 a également rempli son objectif de déterminer la position d’un caillou ponctuel émettant une série de vagues indifférentiables. Félicitation au lecteur qui est arrivé jusqu’ici : il peut en effet désormais localiser précisément l’angle avec lequel a été jeté un caillou ponctuel avec quelques bouchons.

4.1/ Précision réelle

La vulgarisation, fréquemment, compare l’interférométrie avec la triangulation. En effet, dans les deux cas, la corrélation entre deux détecteurs : respectivement télescope et oeil, permet d’obtenir une information nouvelle.

La Triangulation : permet de percevoir la profondeur. Elle suppose que chaque oeil connaisse son orientation. La combinaison des deux yeux par une formule trigonométrique donne la profondeur. En résumé:
L’Interférométrie : permet de connaitre l’angle de l’émetteur. Elle suppose que chaque détecteur puisse mesurer l’intensité et la phase de l’onde incidente. C’est-à-dire la taille des vagues et l’altitude du flotteur. Au contraire, dans la triangulation, il n’est jamais question de la nature ondulatoire des raies. Par ailleurs: 1/ l’oeil humain est incapable de mesurer la phase de la lumière incidente et 2/ les capteurs interférométriques[+]

Exemple de capteur :
1/ Antenne radio
2/ Télescope avec une fibre optique au foyer image. Cette fibre optique va mélanger tout les angles et perdre l’information angulaire des rayons incidents. Ce n’est pas grave car cette information sera mesurée postérieurement bien plus précisément via les interférences avec un autre télescope éloigné. Voir par exemple le Very Large Telescope Interferometer.
3/ Sismomètre. On parle d’interférométrie sismique (Sens-Schönfelder et Wegler 2011)
4/ Flotteur de Tinmarino. Voir ici même

sont incapables, indépendamment, de mesurer l’angle de l’émetteur. D’ailleurs c’est l’objectif de la mesure synchronisée. En résumé :
En les rapprochant, la vulgarisation fait une analogie facilement compréhensible mais incorrecte. De plus, la distance des astres lointains par triangulation est impossible.[+]

La distance des astres est bien plus grande que celle des capteurs et ces derniers les voient à une distance infinie.
Pour mesurer la distance des astres (étoiles, supernovaes, galaxies), les physiciens font appel à une compréhension fine de ces derniers, respectivement : luminosité, décroissance lumineuse et fréquences d’oscilations connues décalés par l’expansion de l’univers.

Maintenant que vous savez que ces mécanismes sont différents, vient, à mon avis, une question légitime : quel est l’avantage de l’interférométrie ?[+]

L’oeil humain est d’une technologie remarquable : petit, léger, résistant, rapide, peu gourmand en énergie, déjà branché (au cerveau), doté d’une grande gamme dynamique, d’un grand champ de vision et d’une acceptable résolution angulaire et profondeur.
Alors pourquoi construisons nous des observatoires artificiels ? On sent que la réponse réside dans la résolution angulaire et la profondeur.

Réponse : la précision de la mesure angulaire. Nous avons, dans l’exemple précédent, séparer deux bouchons de 2m pour mesurer l’orientation d’une vague de 10cm de longueur d’onde. En effet, c’était plus facile à dessiner. En réalité, les antennes d’ALMA sont séparées de 16km et mesurent l’angle d’incidence d’une onde de 1mm. En gardant notre exemple avec nos vagues et nos flotteurs, c’est comme si on séparait les flotteurs de  = 1600km. À cette distance, les flotteurs peuvent mesurer la différence entre une vague venant de θ = 0 et une vague venant de θ  = 0.0000036°, deuxième angle où les deux flotteurs se retrouveront de nouveau en phase.

Nous avons utilisé le critère de Rayleight qui stipule qu’on ne peut distinguer deux taches de diffraction qu’après la distance où le maximum de l’une correspond au premier minimum de l’autre.

La résolution d’ALMA est donc de 0.0000036° ou 10 mas : 10 milli-arc-seconde de degrés. Ce qui est très précis et permet de synthétiser des images avec un grand détail en suivant la méthode que nous décrirons prochainement à la section 4.3.

4.2/ D’un point à une forme

Supposons que le caillou ne soit pas ponctuel mais d’une certaine taille. Alors, les vagues engendrées seront différentes. Par exemple, elles ne seront pas parfaitement sphériques à l’origine. Mais surtout elles n’arriveront pas avec un angle d’incidence unique, un front d’onde droit, c’est-à-dire qu’elles ne seront pas linéaires. C’est comme, par exemple, ces doubles vagues qu’aiment les surfeurs débutants où s’ajoute, à la vague principale, une petite vague oblique qui permet de se lever plus tôt. Ou ces vagues qu’on voit de loin qui épousent la forme d’une baie. Bref, des vagues où le front d’onde, la ligne que dessine le haut de chaque vague, n’est pas une ligne.

On sait déjà déterminer la position angulaire d’un point (section 3). Alors si plusieurs points émettent des ondes, ces différentes ondes se propageront indépendamment dans le milieu (voir principe de superposition). Les détecteurs recevront donc la somme de chaque onde. C’est-à-dire la somme des altitudes qu’ils auraient reçu pour chaque point.

En d’autre termes, on peut prédire précisément, avec une somme, ce que les récepteurs mesureront en fonctions de la positions des différentes sources ponctuelles. Réciproquement, on peut déterminer la position de chacune des sources en fonction des niveaux mesurés moyennant le manque d’information en réception.

Ce manque d’information est dû au fait qu’il n’y a pas de flotteurs partout sur la ligne de mesure. L’équation mathématique est complexe. Le lecteur peut le prédire des mots : manque d’information, mesure réciproque (alias inverse) sans parler de l’erreur de mesure. Mais heureusement pour le physicien ou l’amateur qui bien souvent sont les mêmes, il existe une règle[+]
J’apprécie les règles : une fois notés leur champ d’application et leurs effets, qui souvent consistent à restreindre le champ des possibles, elles facilitent le processus cognitif. Voir par exemple ma liste des 10 cosmondements. Où ici même quelques exemples qui sont presque des définitions :
  • La matière ne traverse pas la matière.
  • Le temps s’écoule du passé vers le futur.
  • Plus y’a de pression, plus ça part vite.
  • Deux espaces parrallèles n’entrent jamais en contact.
Beaucoup de médias revendiquent une nouvelle découverte qui enfreint un de ces règles. Simplement ils mentent : si mon marteau la traverse, ce n’est pas de la matière; si ça voyage du futur vers le passé, ce n’est pas réel; si le flux est plus lent lorsque je l’augmente, ce n’est pas de la pression; enfin si on perçoit un espace, c’est qu’il n’est pas parallèle au nôtre.
en théorie de l’information : on ne peut mesurer au maximum autant de valeurs que l’on a de données (voir Entropie de Shanon). Ça veut dire qu’on peut s’épargner les calculs et considérer qu’on peut mesurer autant d’angles d’incidences de sources ponctuelles (vagues) que l’on a de paire indépendante de détecteurs (flotteurs).
Comme nous pouvons mesurer l’angle de plusieurs sources ponctuelles, nous divisons la forme de la source en plusieurs sous-sources ponctuelles et puis interpolons pour trouver la forme continue de la source originale.[+]

Il existe plusieurs algorithmes d’interpolation et déconvolution utilisables à cette fin : CLEAN, Maximum Entropy Method, Hybrid.
Ces algorithmes diffèrent dans les hypothèses qu’ils font sur l’émetteur. Ils sont itératifs et paramétrables.
Voir la page des radioastronomes Français pour un petit descriptif sympa.

En résumé : nous allons d’un point à un forme en passant par plusieurs points. Le terme technique de cette approche est “Discrétisation”.

4.3/ Reconstruction d’image

De cette manière, avec plusieurs lignes de base, il est possible de détecter simultanément des vagues provenant de différents endroits. La compréhension des détails de ce processus implique une vision performante des sommes de sinusoïdes que procure la transformation de Fourier ou les ondelettes et fera peut-être l’objet d’un chapitre 2.

Pour les impatients, n’oubliez pas le principe de retour inverse de la lumière qui permet de faire l’expérience de pensée d’inversion de l’émetteur et du récepteur et garantit que le parcours de la lumière sera le même. Il “suffit” donc de propager ce que l’on reçoit comme des vagues, comme si on agitait les bouchons artificiellement dans une eau calme. Et l’onde, la vague, que l’on verra à l’infini sera … la source !

Si vous avez fait cette expérience de pensée, vous venez de reconstruire l’image. Ou la transformée de Fourier de la distribution d’intensité des paires de récepteurs pour sortir les gros mots. En tout cas beau travail !

4.4/ Avec plusieurs longueurs d’ondes

Non là sérieux, ça devient compliqué : il y a plus de paramètres à déterminer (positions, longueurs d’ondes) que de paramètres mesurables. Sans information à priori, c’est impossible car absurde (voir parcimonie puis entropie de Shannon).

Pluralitas non est ponenda sine necessitate

La solution la plus simple dans ce cas, le cas réel, est de limiter physiquement :

  1. Le champ de vision avec des digues qui bloquent les vagues ne venant pas de la direction d’observation. En effet, elles contamineraient la mesure.
  2. Les fréquences mesurées avec des filtres étroits.[+]

    L’épaisseur de filtre Δλ est très inférieur à λ, la longueur d’onde centrale du filtre.
    Par exemple, pour nos flotteurs sous des vagues de fréquence 0.1s, on limiterait la vitesse d’oscillation des flotteurs à 0.1s ± petit × 0.1s. Disons 0.1s ± 0.00001s

    En contraignant la vitesse d’oscillation des bouchons, les vagues plus rapides ou plus lentes seront ignorées.

Cette réduction du périmètre d’analyse est d’ailleurs effectuée par les télescopes indépendants pour réduire le bruit et le coût des mesures. En ouverture synthétique, cette réduction ajoute l’avantage de diminuer le manque d’information. Ce qui concrètement réduit le bruit systématique de la mesure (alias le biais).

5/ Des vagues aux ondes radios

Per aspera ad astra

Le concept mathématique utilisé par un télescope à synthèse d’ouverture est identique à celui du détecteur utilisant des flotteurs.

5.1/ Correspondances

Pour enrichir le vocabulaire du lecteur voici l’analogie:

Présente explication ALMA
Vague Onde Électromagnétique
Caillou Astre
Bouchon Antenne
Position Accélération d’électron

J’ai l’espoir d’avoir démontré au lecteur que, comme moi-même, il ignore beaucoup sur la nature des vagues de surface eau-air. Pourtant, grosso modo, il sait de quoi il s’agit. De même, il est intéressant d’appréhender la notion d’onde électromagnétique (alias : lumière, photon).

Quelle est la différence entre le caillou et le bouchon ? (Réfléchir … réponse : ) Le premier émet des vagues en se déplaçant verticalement dans l’eau et le second se déplace verticalement sur l’eau lorsqu’il reçoit des vagues. De plus, si j’agitais artificiellement le bouchon, il émettrait des vagues. Donc la différence n’est pas dans leur nature mais dans leur comportement.

L’accélération d’une charge électrique, typiquement un électron, engendre l’émission d’un photon et réciproquement la réception d’un photon engendre l’accélération d’un électron.
En agitant artificiellement un électron dans une antenne, par exemple avec un aimant, on peut transmettre un signal photonique à une antenne voisine au sein de laquelle, le photon fera accélérer un électron, mesurable par exemple avec un aimant.
Le photon est le porteur de la force électromagnétique.

La lumière, colonie de photons figés dans le temps et fonçant dans l’espace, est très intéressante autant pour la recherche que l’enseignement scientifique. Ce qui, en soi, est naturel car c’est la seule chose que l’on voit. Sachez tout de même qu’un géologue aurait la même rhétorique pour le son.

5.2/ Antenne > Télescope

Ce document vous a expliqué, je l’espère, la synthèse d’ouverture, technique utilisée principalement par les réseaux d’antennes. Dans cette optique, je me permets de vous expliquer pourquoi les antennes (réflecteur + oscilloscope) sont supérieures aux télescopes (miroir + CCD ou bolomètre). La réponse réside dans le traitement de signal électrique par rapport à l’optique.

L’oscilloscope a la capacité de mesurer simultanément phase et amplitude alors que la CCD ou le bolomètre ne mesure que l’intensité (amplitude au carré). Cette capacité permet au réseau d’antennes d’enregistrer toutes ses mesures afin que les machines fassent, à postériori, le traitement du signal. Ainsi, la corrélation est effectuée, au calme, avec des ordinateurs. Alors que dans l’optique, la corrélation doit être faite en temps réel, avec un banc optique vulnérable à la moindre oscillation, au milieu des machines à 3500m d’altitude, dans un pays sismique. Chaque acquisition du VLTI (optique) est une aventure humaine. Les acquisitions d’ALMA (radio) commence à ressembler à une croisière (sauf pour les ordinateurs qui virtualisent tout le banc optique).
De plus, un signal électrique peut être multiplié avec beaucoup moins de bruit qu’un signal optique. Ceci facilite la synthèse d’ouverture avec plus de deux antennes. Par exemple ALMA en a 66 alors que le VLTI n’en a que … 2.

5.3/ Coût de calcul

Le coût de calcul du pipeline de traitement d’image est largement dominé par le corrélateur, comme vous allez vite le comprendre. Notez que les calculs sont approximatifs (à un facteur 10 voir 1000 prés).

Corrélateur

Supposons que le processeur (FPGA) a une fréquence d’horloge de 1GHz, et fasse une multiplication en 2 temps d’horloges. Alors le nombre de processeurs :



Le corrélateur d’ALMA a 130 millions de processeurs FPGA : c’est une grosse machine !

Calibration

À faire toutes les minutes au maximum. Une unique opération qui, depuis une image corrélée donne le gain associé à chaque antenne. Quelques processeurs devraient suffirent.

Réducteur d’image

Ceci n’est fait qu’une fois pour toutes les acquisitions corrélées et calibrées du même endroit du ciel. Cette opération n’est pas critique et peut être faite au calme, 40 jours après l’acquisition. C’est un algorithme récursif qui fera 1000 transformées de Fourier d’une image de, disons 1.000 × 1.000 = 1M pixels (soyons naïf).

La transformée de Fourier a un coût de N × log(N) où N est le nombre de pixels (voir transformation de Fourier rapide). Si chaque opération prend 8 cycles d’horloges comme à l’exemple précédent, le nombre de temps d’horloge est donc :


Ntick = 1k × 1M × log(1M) × 8 = 110G

Soit 110 milliards. Un processeur a un 1GHz effectuera cette réduction en 110 secondes. Pour une qualité supérieure, plus d’itérations peuvent être effectuée en série.


Pour résumé cette section : comme on pouvait s’y attendre, un réseau d’antennes réel est plus précis mais plus cher qu’un réseau de flotteurs.

Optionnel/ Limitations du réseau d’antennes

Dura lex, sed lex
missing
Deux Fentes
missing
Une Fente
missing
Interpolation de parabole : En combinant le signal des trois antennes, on simule une parabole trouée.

Les deux figures ci dessus représentent l’expérience des fentes de Young. On peut calculer que le lobe principal est deux fois plus petit pour une figure de diffraction avec deux ouvertures séparées d’une distance “d” (voir figure deux fentes) que pour une figure de diffraction d’une ouverture de taille “d” (voir figure une fente). La résolution est donc deux fois supérieure pour les petites fentes séparées. Par contre, les lobes secondaires sont plus intenses et donc le bruit est supérieur.
À retenir : dans les deux cas, la résolution angulaire est d’environ λ/D radians. Où D est la taille maximale de l’ouverture (potentiellement trouée) et λ, pour changer, la longeur d’onde.

Le sujet de la forme parfaite d’une parabole (i.e. faut-il la trouer ?) fait l’objet de recherches.[+]


Voici quelques liens pour comprendre la mécanique physique du parcours de la lumière et qui justifient l’analyse précédente.

  1. Propagations de la lumière, formalisme sur les ondes : ça avance en oscillant, tournant dans le plan complexe : équation de Helmoth.
  2. Le spectre angulaire est la transformée de Fourier de la forme de l’émetteur : ondes planes).
  3. Une onde se comporte comme si tout point agité se comportait comme un émetteur secondaire : principe de Huygens-Fresnel.
  4. Une onde traversant une ouverture va se disperser : théorie de la diffraction.
  5. Figure de diffraction loin de l’ouverture : diffraction de Fraunhoffer.
  6. On ne peut pas voir d’objet plus petit que la longueur d’onde : diffraction de Fresnel. Mais ça, ce n’est pas pour nous !

Conclusion

Quid novi

La section 5 montre qu’il est possible de détecter l’agitation électronique extraterrestre via une autre induite sur terre. La section 1 donne les limitations. Enfin, les autres sections expliquent comment la corrélation de plusieurs récepteurs distants peut pousser la limite à celle d’un télescope de la taille de leur séparation.

Maintenant le lecteur devrait avoir compris :

Ce guide pratique est terminé. J’espère que tu l’as lu lentement sans quoi la compréhension a due être laborieuse. Quoi qu’il en soit, merci pour la lecture et félicitation pour l’effort. Si tu as appris quelque chose de nouveau, c’est une petite victoire. Puisses-tu la célébrer pour, demain, te réveiller avec plus d’enthousiasme qu’hier.

Liens pour aller plus loin

Sic itur ad astra

Corrélation

Électromagnétisme et imagerie

Cosmologie